[Rimbaud, Une saison en Enfer]
Je lis et je relis les mots de mon poète. Et à chaque lecture de nouvelles vérités se révèlent, non sur lui mais sur moi.
A présent de mon lit, même à travers ma fenêtre close, je peux voir les étoiles tourner dans le ciel tout au long de la nuit. Et au matin les lambeaux des nuages perdus dans le bleu du ciel. Tout va mieux. Ce n'est pas que la solitude s'apaise, c'est que l'on n'y pense plus. J'ai dit adieu aux amitiés rebelles, lasse à la fin des trahisons. Même le plus fidèle, l'éternel absent a fini par mettre les voiles. Je n'écrirai plus ces mots qui m'ont tant de fois consoler. Ceux qui pouvaient les comprendre, ne les entendront plus.
Mais je suis devenue bien sage tiens, à écrire ainsi ma vie aux yeux et au su de tous. Il faut juste que je me surveille à ne pas aller trop loin au fond de mon cœur. Qui sait ce qui s'y trouve? Le goût de la folie, les derniers débris de passion, les éclats d'un cœur plus ancien encore. Puisque celui-ci sans être neuf n'est pas tout à fait aussi vieux que moi. J'ai vu des êtres détruits rester bien vivants. L'Homme ne veut pas toujours mourir. Et je l'ai moi-même voulu si peu de fois. Existence rime, d'une manière ou d'une autre, avec Mort. Telle est la fatalité humaine. Et depuis toujours, à chaque tournant de rue, à chaque entrée en voiture, chaque soir en me couchant, je me souviens que je suis mortelle. Petite c'était pour donner plus de goût encore à la vie. Plus tard ce fut pour me rassurer, apaiser ce feu de ne plus être tout en étant encore. Maintenant ce n'est plus rien, juste une évidence que parfois j'accepte et refuse parfois.
J'ai fini par voir souffrir les meilleurs et je n'ai pas compris. Les héros doivent mourir jeunes. Ceux qui n'ont rien sont les pires. Je suis évidemment de ceux-là. Mais tant pis, ce monde m'est parfois profondément égal. Il suffit de rester légèrement en retrait pour ne plus lui appartenir tout à fait. Comme dans les relations. Etablir des liens, quelque soit leur nature, c'est permettre la trahison, c'est s'exposer à la douleur. Pourtant il faut bien l'accepter, mais ne jamais aller trop loin si l'on a décidé de ne plus mourir.
A un moment ou à un autre je n'ai pas cessé de mourir. Je ne parvenais pas à renaître pour autant. Depuis j'ai dû trouver le bouton "play again" puisque je n'ai jamais appuyé sur "game over".
Et puis je retourne lire. Au ciel et aux étoiles, je ne vivrai qu'une seule vie qui s'enlise déjà. Il n'y a pas beaucoup de voies pour en sortir.